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SCULPTURE ET ECONOMIE CIRCULAIRE:

Dans une recherche de cohérence et un souci toujours présent de mon impact environnemental, je taille mes sculptures dans des blocs de marbre, granits et albâtres voués à la benne. Souvent ce sont d’anciennes pierres tombales, des pierres oubliées ou des blocs dits «de rebut». Cela demande bien sûr un savoir-faire très spécifique car ce sont des pierres qui ont souffert du temps, de chocs, des intempéries… mais c’est pour mois un choix tant étique que technique et esthétique. # REUSE-REDUCE-RECYCLE

Principales Expositions:
Bâle - Paris - Milan - Barcelone - Monaco - Rotterdam.

Biographie

Avant: Née en 1964, Mon enfance fut amère. Même dans les bonnes familles, il se passe parfois des choses terribles… Seule, chose étonnante, quand on regarde mes dessins d’ados, on y trouve l’ébauche de la patte qu’il y a dans ceux d’aujourd’hui. Cette densité qui prendra ensuite de l’ampleur.
Liberté (1982-1992): Encore mineure je pars à 1000 km de la maison et entre à l’Ecole des Beaux-Arts à Paris, en architecture (J’y suivit tout le cursus), ne sachant pas encore que la sculpture existât… Je le découvre vite et suit l’enseignement de Jean-François Duffau, maître de modelage aux Beaux-Arts et assistant de César. Années de découvertes, travail, liberté, folie, fanfare, alcohol, petites et grandes amours, rires, et quelques larmes bien sûr. Moi, l’étrangère, femme de surcroît, je deviens Grand-Massier (président des élèves et anciens des écoles d’Art et d’Architecture de France).
Après (1993-1997): Un jour il faut se résigner à devenir adulte. Je pars à Barcelone, commence à travailler dans l’édition et la communication pour me donner le temps de trouver ma patte. En sortant de l’Ecole (les Beaux-Arts), je savais avoir quelque chose à dire, mais pas encore ce que c’est, ni comment. J’ai donc mon atelier à côté et y passe mes soirées, mes nuits, mes week-ends, avec acharnement, à travailler, retravailler encore et encore, l’anatomie, bien sûr, mais aussi, surtout, la matière, les matières. Je comprends enfin ce que ma Grand-mère voulait dire avec son « 100 fois sur le métier tu remettras ton ouvrage».
Métal (1997-2008): En attendant d’oser sculpter au grand jour, et dans un élan qui s’appellera plus tard l’upcycling, je me penche sur des éléments métalliques auxquels on ne donne qu’une valeur utilitaire, capuchons de bouteilles, tirettes de canettes, chaîne des toilettes, CDs… comment révéler leur beauté intrinsèque si ce n’est en vous les faisant porter ? Je ne le savais pas encore pourtant je travaillais déjà sur l’idée de dualité, dualité entre la réalité de l’objet et les préjugés que l’on pose dessus. Je travaillerai sur cette idée pendant près de 10 ans, alternant défilés, salons, émissions TV… puis un jour la lassitude vient. Du bikini à la robe de mariée, le tout en nombreuses variations pourquoi continuer ? Ce ne serait que recommencer… D’autres d’ailleurs ont repris cette idée et commencent à travailler avec la tirette de canette surtout, et cela me semble très bien. Quant à moi, il me faut trouver une autre idée, ou alors,… oser. Oser enfin ouvrir mes ailes et être moi au grand jour.
Partir (2009): Pour chaque grande étape de ma vie il y a un lieu spécifique: Il y eut Paris d’abord pour ma vraie naissance, puis Barcelone pour ma construction, il me fallait un nouvel espace, et me voici à Lausanne, pour ma maturité. Ici j’ai trouvé cet espace de chaleur et de liberté que j’avais longtemps cherché ailleurs.
Sculpture (2009 - …): Oser être moi, c’était oser porter ma sculpture au grand jour. Oser la montrer, oser l’exposer, oser l’enseigner, aussi. Oser vous montrer ce que toutes ces années de réflexion, de travail, dans l’intimité de mon atelier m’ont permis de comprendre sur moi, sur l’humain, sur la matière, sur la vie en fin de compte. Quelques notions m’obsèdent: La lumière car mes sculptures ne sont qu’en ombres et lumières, comme si la couleur n’existait pas. Mais la vie n’est-elle pas qu’ombres et lumières? La dualité, car le bien sans le mal ne pourrait exister, car comment me positionner dans la vie sans avoir conscience de ces deux extrêmes et des compromis que je peux accepter, mais surtout de ceux que je dois refuser, quelques soient les conséquences. Recherche de l’équilibre, presque impossible sauf s’il est en perpétuel mouvement et c’est pour cela que mes sculptures sont en double mouvement, en double émotion. Le temps, car je ne le comprends pas tout à fait. Qu’est-ce que «dans 5 ans»? cela semble si loin du réèl... Et, pourtant je considère le temps comme un outil, outil pour cicatriser les blessures, pour élaborer, pour comprendre, pour apprendre aussi. Je passe et repasse cent fois sur la même courbe, aujourd’hui que la terre est mouillée, dans 2 semaines quand elle sera sèche, dans 2 mois sur la pièce définitive; m’arrêtant car j’ai enfin trouvé La courbe, tendue comme une corde, ou douce comme un sourire. Il faut s’arrêter! elle vibre maintenant! et pourtant demain, il me semblera que j’aurais pu aller plus loin.
Le Moulage Corporel (2009 - …): est pour moi une autre façon d’envisager l’art du Portrait. Nous avons tous des photos des êtres qui nous sont les plus proches, qui nous rappellent les instants phares de nos vies. Mais la photo, qui peut parfois être sublime et que j’aime, jette souvent comme un voile d’irréalité, un filtre sur cette réalité passée. Notre mémoire, en est un autre filtre. Et ce qui m’a souvent surpris c’est que le souvenir le plus vivace n’est pas toujours l’image, cela peut-être une odeur, une voix, un geste… L’une de mes madeleines de Proust à moi, c’est l’odeur d’un rouge à lèvres… l’odeur de ma mère: un simple rouge à lèvres, surprenant n’est-ce-pas? Et, c’est ce qui m’a amenée au moulage, car nos mains et la façon de les bouger, de les poser, sont peut-être ce qu’il y a de plus personnel en chacun. A travers le moulage je tente de capturer l’émotion, l’essence du lien entre les personnes, entre personnes et choses, afin de restituer ce quelque chose d’unique qui fait que «ceci» ne peut-être que Ta main dans la Mienne.
L’Enseignement: (2009 - …): peut-être l’outil d’apprentissage le plus exigeant, car je continue d’apprendre aujourd’hui encore et espère continuer d’apprendre jusqu’à mon dernier jour. Répondre aux attentes de l’élève tout en restant soi. Savoir que l’on est influençant même sans le vouloir et chercher comment l’être le moins possible. Répondre aux questions qui parfois vous font vous questionner vous-même, aux doutes qui peuvent entrer en résonnance avec les vôtres, à tous ces différents projets, à toutes ces identités, ces sensibilités différentes, et trouver le lien. Le lien entre moi et chacun d’eux. C’est un sacré challenge, mais c’est aussi et peut-être surtout beaucoup de chaleur humaine.
Incendie: le 8 octobre 2017 mon atelier brûle. Sculptures saccagées. Ce que le feu n’a pas détruit, l’eau y a pourvu. Fatigue. Serrement de cœur mais, une fois encore, refus d’obtempérer : La sculpture est ma vie. Si je n’ai fermé qu’une seule journée, il me faudra une année pour m’en remettre vraiment. Pour restaurer, recouler les sculptures qui peuvent l’être, mais aussi pour les travaux, racheter les outils,... Et puis, aussi, pour accepter ce coup dur. Aujourd’hui je sais que cet incendie marquera un changement, encore un autre changement, dans ma façon de sculpter, qu’il y aura un «avant l’incendie» et un «après l’incendie», et j’accepte ce nouveau défi.
2020 Le Covid a été pour moi comme un catalyseur, comme un électrochoc. Pour oublier la solitude, pour oublier la peur, j'ai plongé dans la sculpture. Bien sûr j'ai toujours sculpté, mais il y avait toujours en leitmotiv le traintrain de l'habitude, il faut gagner sa vie, vivre en société, faire tout ce qu'il « faut faire ». Et puis, avec ce satané virus, j'avais 2 options, rester chez moi, seule, et ça, ça me semblait dangereux pour ma santé émotionnelle, ou descendre à l'atelier, oublier tout le reste et plonger, oser ce qui mûrissait depuis longtemps : briser le marbre pour le sublimer. Depuis longtemps une thématique me turlupinait : comment mettre en scène les limites de nos systèmes intérieurs, comment mettre en scène l'impact de l'être humain sur la planète et le mal-être de notre société. Car ce virus, et surtout le confinement, nous a montré à chacun les limites de nos systèmes personnels, ce sans quoi il était facile de vivre (pas fait de shopping pendant des mois, et alors !) et ce sans quoi il était impossible de vivre vraiment (pas serré dans mes bras un autre être humain pendant des mois, quel manque !). Il nous a aussi montré combien la nature avait besoin de reprendre ses droits quand nous les humains levions le pied (vous souvenez-vous de combien les oiseaux chantaient fort ? combien les étoiles étaient brillantes ?).
Pour exprimer cela, j'avais besoin d'un concept: En mettant face à face, ou plutôt en imbriquant, des marbres brisés (destructurés suivant la façon dont se fissure la terre du fait de la sécheresse) avec des émotions humaines, j'exprime ce mal-être de notre société. Ne vous inquiétez pas, je ne brise pas de belles plaques de marbre, j'utilise ce qu'on appelle des chutes, que j'achète chez des marbriers de la région. Ces chutes n'ont plus vraiment de raison d'être, ce sont des restes, elles partiront un jour à la benne. Pourtant, elles sont si belles ! En les brisant, en les sublimant, je leur donne du sens et je remets aussi en question notre société de surconsommation. Sans notre planète, ne l'oublions pas, nous les humains n'existons pas !
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